ECONOMIE
Somalie : à Mogadiscio, une jeune femme défie les stéréotypes au volant de son taxi

Seuls 3 des 2 000 taxis de l’entreprise Rikaab sont conduits par des femmes dans la capitale somalienne, dans un pays plongé dans le chaos depuis 1991.
Divorcée, 19 ans. Elle conduit un taxi dans l’un des pays les plus dangereux et conservateurs au monde. En prenant chaque jour le volant pour faire vivre sa famille, Asha Mohamed défie les conventions en Somalie. Depuis un an, la jeune femme sillonne les rues de la capitale somalienne Mogadiscio dans son taxi blanc.
Elle a choisi cette carrière autant par passion que par nécessité, après avoir divorcé de son époux à qui elle avait été mariée à l’âge de 16 ans. Cette démarche, rare et mal perçue dans une société somalienne dominée par un islam conservateur et au fonctionnement clanique et patriarcal, s’est doublée d’un autre défi : trouver un emploi pour subvenir aux besoins de ses deux enfants et de sa mère, chez qui elle vit désormais.
«Passionnée par les voitures»
Pour Asha, le métier de taxi, bien qu’habituellement réservé aux hommes et particulièrement exposé dans une ville réputée pour son insécurité, a semblé presque naturel. «Dans mon enfance, j’étais passionnée par les voitures, je voulais devenir pilote un jour», raconte la jeune femme, qui joue parfois à des jeux vidéo de voitures sur son téléphone.
«Je ne pensais pas à chauffeure de taxi au départ. Mais quand la société Rikaab Taxi a été créée l’année dernière, j’ai décidé de les rejoindre, surtout qu’il n’y avait aucune femme à l’époque. J’ai vu une belle opportunité», explique-t-elle.
Le métier comporte d’énormes risques : la Somalie est plongée dans le chaos depuis la chute du régime militaire du président Siad Barré en 1991. Le pays a d’abord été le théâtre d’une guerre des clans, avant qu’éclate l’insurrection des islamistes radicaux chabab.
A Mogadiscio, les carrefours fréquentés et les checkpoints des forces de sécurité sont régulièrement la cible d’attentats. Le dernier en date, le 13 février, une attaque à la voiture piégée revendiquée par les chabab, près d’un point de contrôle situé sur l’un des grands axes de la ville, a tué au moins trois civils et en a blessé huit autres.
«Le nombre de femmes chauffeures de taxis était très faible à cause de l’insécurité, mais depuis que nous avons lancé notre entreprise il y a un an, on recrute de plus en plus de femmes», assure Ilham Abdullahi Ali, la responsable des finances de Rikaab Taxi. Toutefois, seuls trois des 2 000 taxis de l’entreprise dans la capitale somalienne sont conduits par des femmes.
Ponctualité et prudence
Les clients sont souvent déroutés en voyant le visage rond et délicatement maquillé d’Asha derrière le volant. Etudiant à l’université Salaam, Sadiq Dahir Mohamed avoue avoir été surpris, voire gêné, lorsqu’elle l’a pris en charge pour une course la première fois. Mais aujourd’hui, son regard a changé.
«Même si, habituellement, c’est un travail pour des hommes, aujourd’hui je préfère avoir une femme, elles sont toujours à l’heure et elles conduisent beaucoup plus prudemment», sourit-il.
Avec un salaire pouvant atteindre 40 dollars par jour, Asha Mohamed parvient à faire vivre seule sa famille, en espérant que son cas puisse contribuer à faire un peu évoluer les mentalités dans son pays.
Peu de données récentes sont disponibles sur la situation des femmes en Somalie. En 2012, le pays figurait parmi les quatre moins bien classés au monde dans l’Indice d’inégalité de genres (IIG) du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). L’agence onusienne y pointait une situation «alarmante» pour les droits des femmes.
«Les femmes souffrent d’une exclusion et d’une inégalité sévères dans tous les domaines de l’indice [santé, emploi…]» et les «lois traditionnelles, utilisées à la place d’un système judiciaire d’Etat, sont hautement discriminatoires envers les femmes», soulignait ce rapport.
«Les filles somaliennes sont données en mariage très jeunes et les violences contre les filles et les femmes sont très répandues», ajoutait-il, rappelant qu’on estime que 98 % des femmes en Somalie ont subi des mutilations génitales.
Avec AFP

ECONOMIE
En Afrique, la reprise économique freinée par l’accès limité aux vaccins contre le Covid-19

L’Afrique subsaharienne devrait enregistrer en 2021 la croissance économique régionale la plus lente au monde, avec un taux de 3,4 %, alors qu’elle peine à se remettre de la crise provoquée par le Covid-19, a averti le Fonds monétaire international (FMI) jeudi 14 avril.
«Les difficultés économiques ont provoqué d’importants bouleversements sociaux et un trop grand nombre de personnes ont replongé dans la pauvreté», a déclaré Abebe Aemro Selassie, directeur du département Afrique du FMI : «Le nombre de personnes extrêmement pauvres en Afrique subsaharienne a augmenté de plus de 32 millions, selon les projections.»
Faute d’approvisionnements suffisants en vaccins contre le Covid-19, l’Afrique subsaharienne subit un retard considérable dans ses campagnes de vaccination.
La pandémie liée au coronavirus a ainsi mis en lumière une nouvelle fois le décalage entre les pays riches et pauvres de la planète. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), «moins de 2 % des 690 millions de doses de vaccin anti-Covid-19 administrées jusqu’à présent à l’échelle mondiale l’ont été en Afrique».
Pour le FMI, cet accès limité aux vaccins, de même que l’espace politique restreint dans beaucoup des pays du continent, freinent la reprise à court terme. Selon ses prévisions, pour la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, le coût de la vaccination de 60 % de la population nécessitera une augmentation des dépenses de santé pouvant aller jusqu’à 50 % et pourrait dépasser 2 % du PIB dans certains pays.
2020, la pire année jamais enregistrée
Le FMI estime que l’Afrique subsaharienne se remettra de la contraction de 1,9 % du PIB de 2020 – la pire année jamais enregistrée – avec une croissance de 3,4 % cette année, explicable par la réouverture des frontières, qui stimule les échanges et le commerce. Mais dans de nombreux pays, «les revenus par habitant ne retrouveront pas les niveaux d’avant-crise avant 2025», prévient le rapport.
Selon M. Selassie, les pays africains ont été frappés par trois phénomènes liés à la pandémie : l’augmentation des besoins des systèmes de santé et d’infrastructures, l’accroissement des niveaux d’endettement et l’incapacité des gouvernements à collecter davantage d’impôts.
D’autres facteurs tels que l’accès au financement extérieur, l’instabilité politique, la sécurité intérieure ou les chocs climatiques pourraient compromettre davantage la reprise.
En revanche, le FMI note que la fourniture ou le déploiement plus rapide que prévu de vaccins pourraient améliorer les perspectives à court terme de la région.
Avec AFP
ECONOMIE
Canal de Suez : l’Egypte réclame 900 millions de dollars au propriétaire de l’«Ever-Given»

Selon l’Autorité du canal de Suez (SCA), l’Egypte a perdu entre 12 et 15 millions de dollars par jour lors du blocage du canal par ce porte-conteneurs.
Le propriétaire japonais du porte-conteneurs qui avait bloqué le canal de Suez a confirmé, mercredi 14 avril, être en négociations avec les autorités égyptiennes, qui lui réclament 900 millions de dollars pour laisser repartir le bateau, qui a été saisi.
L’Ever-Given, d’une capacité de 200 000 tonnes, s’était échoué le 23 mars, bloquant le trafic du canal, qui concentre plus de 10 % du commerce mondial, avant d’être renfloué, le 29 mars, avec l’aide d’experts internationaux.
Lundi, le quotidien gouvernemental égyptien Al-Ahram révélait que l’Egypte réclame 900 millions de dollars de dédommagements (environ 750 millions d’euros). Le destin du bateau se joue «désormais sur le terrain juridique», a affirmé, mercredi, le porte-parole du propriétaire, Shoei Kisen.
Selon l’Autorité du canal de Suez (SCA), l’Egypte a perdu entre 12 et 15 millions de dollars par jour de fermeture du canal, emprunté par 19 000 navires en 2020, soit une moyenne de 51,5 navires par jour. Figurant parmi ses principales sources de revenus, le passage a rapporté environ 5,7 milliards de dollars au Caire en 2019-2020.
Compenser les pertes engendrées
Lundi soir, le chef de la SCA avait fait état à la télévision publique de «négociations» en vue d’obtenir des dédommagements pour le préjudice subi. L’Egypte n’a commis «aucune erreur» dans cet incident, selon lui, faisant porter la seule responsabilité au navire.
«Les négociations se poursuivent, il y a encore beaucoup de points [d’achoppement] avec l’entreprise et l’assurance», à commencer par la «somme», avait affirmé l’amiral Osama Rabie.
«Le navire [battant pavillon] panaméen Ever-Given a été saisi en raison du non-paiement de la somme de 900 millions de dollars (…) en vertu d’un jugement rendu par le tribunal économique d’Ismaïlia», a-t-il dit.
Le montant correspond, selon la même source, aux «pertes engendrées par le bateau à la SCA, outre son renflouement et les opérations de maintenance».
Plus de 400 navires avaient été bloqués au nord et au sud de l’isthme durant six jours, formant de gigantesques embouteillages qui ont mis plusieurs jours à se résorber.
Avec AFP