SANTÉ
Covid : en Tunisie, la réception de 1 000 doses de vaccin offertes par les Emirats fait polémique

Après des fuites, la présidence tunisienne a dû confirmer «un cadeau» d’Abou Dhabi. Le gouvernement, qui dit ignorer l’initiative, a demandé «une enquête immédiate».
Le sujet de l’absence d’une campagne de vaccination contre le coronavirus en Tunisie s’est invité dans le bras de fer entre la présidence et le premier ministre, le second décrétant l’ouverture d’une enquête après l’annonce par la première de la réception de 1 000 doses offertes par les Emirats arabes unis (EAU).
Après des fuites, la présidence a confirmé, lundi 1er mars, avoir reçu 1 000 doses de vaccin, mises à disposition des services de santé militaire, chargés de les distribuer en priorité au personnel soignant.
La présidence a indiqué à l’AFP qu’il s’agissait d’un «cadeau» de la part d’Abou Dhabi. Le gouvernement, assurant n’être au courant de rien, a annoncé «une enquête immédiate sur les circonstances de l’arrivée de ces vaccins, leur gestion et leur distribution».
Contrairement à l’Algérie, au Maroc ou à l’Egypte, qui ont débuté fin janvier leur campagne de vaccination, la Tunisie n’a toujours pas commencé la sienne. Initialement annoncée pour la mi-février, elle a été retardée par des difficultés d’approvisionnement.
Des commentateurs pointent également du doigt les querelles politiques qui entravent les décisions et la coordination des pouvoirs, en pleine crise sociale et sanitaire. Symptome de l’instabilité politique, la Tunisie a changé trois fois de ministre de la santé depuis le début de la pandémie.
L’exécutif se déchire par ailleurs sur un remaniement, décidé pour assurer au gouvernement le soutien des partis majoritaires au Parlement, mais refusé par le président Kaïs Saïed, un farouche indépendant, en raison notamment de soupçons de conflits d’intérêt pesant sur certains ministres.
La polémique sur les vaccins a débuté après l’annonce de leur arrivée par des élus sur les réseaux sociaux, alors que, officiellement, le pays attend toujours ses premières doses du programme onusien d’aide Covax, destiné aux 200 pays les plus pauvres.
Rumeurs
Le député indépendant Yassine Ayari a indiqué sur Facebook avoir été informé «il y a quelques jours» de l’arrivée de ces doses par des diplomates. La commission scientifique, entendue lundi au Parlement, a indiqué qu’elle n’était pas au courant de l’arrivée de ces vaccins.
Contactés par l’AFP, ni la présidence ni le ministère de la défense n’ont été en mesure de donner des détails sur le type de vaccin ni sur la date précise de l’arrivée de la cargaison.
Signe de la défiance de la population envers la classe politique, des rumeurs selon lesquelles certains parlementaires auraient déjà été vaccinés circulent. «Le chef de l’Etat Kaïs Saïed a refusé de se faire vacciner» et «aucun membre de sa famille» ni aucun «fonctionnaire à la présidence» n’a bénéficié du vaccin, a souligné Rym Kacem, responsable de la communication au palais de Carthage.
Dans un communiqué publié lundi, le Parlement a démenti avoir reçu des vaccins «de quiconque», ajoutant être engagé à respecter la stratégie nationale, qui prévoit de réserver les première doses au personnel soignant.
La Tunisie, qui compte près de près de 12 millions d’habitants, avait initialement annoncé une campagne de vaccination à partir de la mi-février grâce à des doses du dispositif Covax. Mais son lancement a été retardé d’un mois du fait d’un délai dans l’arrivée des vaccins. La campagne commencera finalement en mars, a réaffirmé lundi le directeur de l’institut Pasteur, Hechmi Louzir.
La semaine dernière, Pékin s’est engagé offrir à Tunis 100 000 doses dans les jours à venir, dès que la logistique le permettrait. Après un pic en janvier, la Tunisie enregistre toujours plusieurs dizaines de morts chaque jour. Depuis le début de l’épidémie, le pays a enregistré 233 277 cas de contamination au coronaviruset et 8 001 décès dus au Covid-19.
Avec AFP

SANTÉ
Covid-19 : au Sénégal, les réticences face au vaccin font le bonheur des plus pressés

Crainte des effets secondaires, doutes sur la gravité de la maladie, scepticisme vis-à-vis de la vaccination… Les habitants ne se bousculent pas pour recevoir leur dose.
Alors que des candidats à la vaccination prennent leur mal en patience dans le monde, l’affaire peut être expédiée en quelques minutes, gratuitement et sans rendez-vous, au poste de santé de Mbao et, semble-t-il, ailleurs au Sénégal. Pourtant, la population ne se bouscule pas dans les centres où se sont rendus les journalistes de l’AFP.
Aux doutes nourris depuis le début par nombre de Sénégalais quant à la gravité de la maladie, au scepticisme répandu vis-à-vis de la vaccination, s’est agglomérée la crainte des effets secondaires du vaccin AstraZeneca, un des deux disponibles dans le pays.
Au poste de Mbao, la salle de vaccination est vide et les infirmières devisent pour tromper leur désœuvrement. «Les gens ne se pressent pas pour se faire vacciner. Une femme m’a dit qu’elle n’a pas confiance parce que c’est gratuit. Elle attend que ce soit vendu en pharmacie pour l’acheter», glisse une membre du personnel de santé, sous couvert d’anonymat parce qu’elle n’est pas autorisée à parler à la presse.
Plus de 362 000 personnes vaccinées
Le coordinateur national de la vaccination, Ousseynou Badiane, se veut mesuré quant à l’avancement de la campagne. Le gouvernement avait prévu de vacciner en priorité le personnel de santé et les personnes âgées et atteintes de comorbidités, soit 3 % de la population.
«On a déjà administré plus de 70 % des doses qu’on devait administrer», dit-il. Mais rapidement, le champ a été «élargi à 20 % de la population» parce que «des gens prioritaires ne se présentaient pas», explique-t-il.
Les autorités avaient initialement instauré une prise de rendez-vous en ligne. Quand les services de vaccination appelaient les inscrits, certains «ont demandé si c’était AstraZeneca» et ont préféré attendre, rapporte le praticien.
Sans communication officielle, le mot a alors commencé à se répandre sur les réseaux sociaux qu’on pouvait se faire vacciner sans rendez-vous. Une aubaine pour certains.
«Je suis venue me faire vacciner pour me protéger. Mon époux, qui ne veut pas s’immuniser, a essayé de me dissuader», assure Rokhaya Samb, qui est passée outre et sort du centre de Ngor-Almadies, à Dakar.
Ils sont une quinzaine ce jour-là à avoir fait de même, dont une bonne part d’expatriés, nombreux à vivre ou travailler dans le quartier. De quelques heures au début, l’attente est passée à quelques dizaines de minutes au maximum.
Le Sénégal a acheté 200 000 doses du Sinopharm, dont 10 % cédées aux voisins gambien et bissau-guinéen, et reçu plus de 300 000 doses d’AstraZeneca dans le cadre du programme international Covax, destiné à assurer aux pays pauvres l’accès à la vaccination.
Plus de 362 000 personnes ont été vaccinées, pour une population d’environ 17 millions d’habitants. «Il y a des réticences mais c’est difficile à mesurer», admet le docteur Badiane.
Nano-cellules, procréation et «coronabusiness»
Le nombre de contaminations et de décès diminue au Sénégal depuis des semaines. En outre, la vie revient progressivement à une certaine normalité depuis que le pouvoir a levé le couvre-feu et les restrictions anti-Covid à la suite de graves troubles début mars.
L’urgence est davantage à gagner son pain, a fortiori parmi des Sénégalais dont les trois quarts ont moins de 35 ans et sont moins exposés aux formes graves du coronavirus. Autant de raisons, avec la défiance envers AstraZeneca, qui tiennent les Sénégalais à distance d’une aiguille.
Le docteur Babacar Niang, chef de Suma Assistance, un service hospitalier national privé, raconte recevoir des appels de patients l’interrogeant sur la nécessité de se vacciner. Certains sont «sceptiques» vis-à-vis d’AstraZeneca, dit-il.
Mais d’autres sont sensibles à «l’histoire des nano-cellules qu’on va nous mettre pour nous surveiller ou à l’histoire de la procréation selon laquelle l’Europe et l’Amérique veulent diminuer notre fécondité».
D’autres encore se demandent si la vaccination ne relève pas seulement d’un «coronabusiness» profitable aux autorités et entreprises pharmaceutiques, évoque-t-il.
Les stocks s’amenuisent malgré tout. Le Sénégal attend prochainement de nouvelles livraisons, selon le docteur Badiane. Mais il n’écarte pas le risque d’une rupture qui ralentirait encore la campagne.
Avec AFP
SANTÉ
Le Malawi va détruire 16.000 vaccins contre le Covid-19 qui ont expiré

«Je veux voir les réactions des premiers vaccinés avant d’y aller moi», confie un habitant de Lilongwe, la capitale.
Plus de 16.000 doses de vaccin ont atteint leur date de péremption et vont être détruits au Malawi, après être arrivés dans le petit pays pauvre d’Afrique australe il y a trois semaines, a-t-on appris mercredi auprès du ministre de la Santé.
Sur ce lot de 102.000 doses envoyées par l’Union africaine (UA), quelque 16.400 n’ont pas été utilisées et ont expiré mardi, a précisé à l’AFP Charles Mwansambo.
Sur le total de 530.000 doses reçues dans le pays via le programme Covax, le gouvernement indien et l’UA, toutes du vaccin AstraZeneca, 46% ont été utilisées à ce jour, a-t-il avancé.
«Nous avons utilisé la plupart des vaccins envoyés par l’UA. Mardi, à leur date d’expiration, il en restait seulement 16.400 qui n’avaient pas servi, qui vont maintenant être détruits et jetés», a-t-il déclaré à l’AFP.
Depuis les premières vaccinations en mars, le Malawi a seulement vacciné 300.000 personnes sur les 11 millions ciblés, soit un objectif de quelque 60% de la population «pour être suffisamment protégés», selon le ministre.
Chipiliro Chilinjala, 30 ans, croisé dans un restaurant de la capitale, traîne des pieds: «Je prends mon temps, beaucoup d’histoires étranges circulent. Je veux voir les réactions des premiers vaccinés avant d’y aller moi», confie-t-il à l’AFP.
Le sociologue Innocent Komwa confirme que l’apathie à se faire vacciner découle vraisemblablement de la force des théories du complot et de la désinformation: «Au Malawi, on a beaucoup d’adultes qui restent bloqués dans la phase contemplative, qui auraient besoin d’un petit coup de pouce pour se décider», dit-il.
«Malheureusement, le gouvernement et les responsables de santé n’ont pas fait grand-chose pour contrer les fausses nouvelles, les rumeurs, en particulier autour de l’AstraZeneca en Europe», regrette-t-il auprès de l’AFP.
L’immunologiste Gama Bandawe redoute l’impact de ces retards quand la pandémie va reprendre des forces, sans doute en milieu d’année, estime-t-il.
«On s’attend à des pics lors des six à huit prochaines semaines. Nous allons nous retrouver dans une situation où nous aurions vraiment pu utiliser ces vaccins».
Avec AFP